mercredi 23 octobre 2019

TE CONNAÎTRAI-JE UN JOUR?

TE CONNAÎTRAI-JE UN JOUR?
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De longs, de très hauts murs, anonymes et gris,
des ouvriers par grappe qui s'échappent place des Carmes.
Le bureau de papa, chaque matin il y rentre,
en ressort souvent gris comme les murs qui l'entourent,
de longs murs de salpêtre aux langueurs assassines.
Mais qui a-t-il derrière, le sais-tu, toi, papa ?

Un ingénieur chimiste, c'est de l'ordre du secret,
de l'abstrait pour l'enfant qui n'ose questionner,
un secret qui décore les silences de ta vie,
une image retournée qui se cache dans ma tête,
coffre fort sur une place où se garent des voitures
qui repartent le soir quand tu rentres chez toi.


Le temps viendra mon fils où tu sauras pourquoi,
tu sentiras peut être qu'il est si difficile
de dire dans un silence ce que, de toute une vie,
je ne t'ai jamais dit, que mon cœur a caché
parce qu'il ne savait pas, qu'il n'avait pas appris
à dire les cinq lettres, amour ne se dit pas !


T'es un peu comme ces murs, silencieux et secret.
Mais que fais-tu la-bas derrière ces grands murs noirs ?
Quand tu me tournes le dos, peut être puis-je oser,
vais-je te demander : que fais-tu, qui es tu,?
Tout petit, derrière toi et plus encore devant,
à 10 ans comme après, je demeure muet.

Et toutes ces questions qui restent sans réponse,
que je n'ai sues poser ne sachant les faire mienne ?
Je ne te connais pas et ta vie du dehors
est un souffle qui s'essouffle, en arrivant chez-nous.
Et puis-je dire ce nous ? On se connaît si peu.
Ce mur gris du dehors est rentré au dedans.


Le temps viendra mon fils où tu sauras pourquoi,
tu sentiras peut être qu'il est si difficile
de dire dans un silence ce que, de toute une vie,
je ne t'ai jamais dit et mon cœur l'a caché
parce qu'il ne savait pas, qu'il n'avait pas appris
à dire les cinq lettres : amour ne se dit pas !


Dans la forêt, l'automne, quand tu parles sous les arbres,
du chevalier bagué, je l'imagine en heaume
parcourant à cheval, les sentiers , les genêts,
tu fais aussi mention des girolles, mousserons
qui se cachent sous la mousse, on est loin de l'usine,
de ces tristes cheminées qui montent jusqu'au ciel .

On s'aime sans se le dire, on reste derrière les murs,
tu te racontes parfois avec cette pudeur
qui entre doucement quand tu me prends la main,
m'emmènes dans les monts cueillir les champignons,
je sais, tu sais, ce qu'est un chevalier bagué,
je ne te le dis pas, pour que tu contes encore.


Le temps viendra mon fils où tu sauras pourquoi,
tu sentiras peut être qu'il est si difficile
de dire dans un silence ce que, de toute une vie,
je ne t'ai jamais dit et mon cœur l'a caché
parce qu'il ne savait pas, qu'il n'avait pas appris
à dire les cinq lettres, amour ne se dit pas !


Qu'est ce qui te rend si sombre Papa et si taiseux.
Tu ne ris pas souvent, as-tu peur de froisser
les silences qui t'entourent, peur qu'ils ne se retournent
contre nous, tes enfants, nous étouffent de leurs bras.
Je ne suis pas taiseux, mais j'aime la solitude,
ce qui me reste de toi sans même l'avoir voulu.

J'ai pas beaucoup d'amis, besoin d'un peu d'espace.
Et parfois cet humour qui sort de son fourreau,
qui blesse sans le vouloir, éloigne les importuns
et même un peu les autres, je crois que je comprends
de qui je tiens un peu, de qui je me rapproche.
Je t'ai sans doute rejoint sans même le vouloir.


Le temps viendra mon fils où tu sauras pourquoi,
tu sentiras peut être qu'il est si difficile
de dire dans un silence ce que, de toute une vie,
je ne t'ai jamais dit et mon cœur l'a caché
parce qu'il ne savait pas, qu'il n'avait pas appris
a dire les cinq lettres, amour ne se dit pas !




samedi 19 octobre 2019

PARFUM D'ENFANCE

Parfum d' enfance

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Un, deux trois, quatre, cinq, six. Il fait encore très sombre,
 la rue toujours déserte, les lampadaires blafards.
Des pas comme des échos sur les façades d'en face,
papa part au travail, il reviendra midi.

Un, deux, trois, quatre, cinq, six, l'usine est à côté.
Entre midi et deux il vient, déjeune rapide.
Il mange en peu de mots, dans un silence de plomb.
Puis il repart sans bruit, c'est un taiseux papa.


Quand on est tout petit, on se fait du mouron,
se raconte des histoires pour se faire un peu peur.
On murmure, on grandit, on mûrit c'est certain.
On oublie les récits, on écrit des comptines.


Un, deux, trois, c'est l'école, c'est l'hiver, il fait gris.
Les pupitres sont bas et laissent entre les bancs
une ouverture étroite. Même si je suis très grand
 je m' y insère sans bruit. Je ne dis rien,  m'endors.

Je suis seul et j'attends que finissent les cours,
que les mômes me laissent, c'est pas vraiment la joie.
Un, deux, trois, quatre, cinq, six, puis-je passer mon tour.
C'est pas la règle, c'est vrai. J'ai la vie qui m'attend.


Quand on est tout petit, on se fait du mouron,
se raconte des histoires pour se faire un peu peur.
On murmure, on grandit, on mûrit tout autant.
On oublie les récits, on écrie des comptines.


Un, deux trois, case-prison et demi-pensionnaire,
en semi-liberté de devoirs surveillés,
retour à la maison, son triste papier à fleurs
que l' on regarde hagard, un cahier à côté.

Un, deux, trois, quatre, cinq, six, as-tu fais tes devoirs ?
J'avance le pion d'une case, deux cases, suis-je fautif ?
Je ne suis pas un cancre. J'ai peu où pas d' ami,
ça n'imprime pas en moi l'empreinte du savoir.


Quand on est tout petit, on se fait du mouron,
se raconte des histoires pour se faire un peu peur.
On murmure, on grandit, on mûrit c'est certain.
On oublie les récits, on écrie des comptines.


Livres d'histoire et de math somnolent sur ma table.
Tintin et Lucky Luke attendent tout en dessous !
La porte se referme. Ils sortent vaillamment.
Ils sont ma délivrance, mon sac de survie.

Sans doute lu trop  Dickens!  Le vécu est tout autre.
C'est la faute au stylo qui s'échappe sans raison.
Il tâche souvent les pages et cache un peu les faits
d'un humour un peu noir où manquent les sous-titres.


Quand on est tout petit, on se fait du mouron,
se raconte des histoires pour se faire un peu peur.
On murmure, on grandit, on mûrit c'est certain.
On oublie les récits, on écrit des comptines.


Papa est ingénieur mais je m'ennuie quand même,
maman est toute discrète, petite souris aimante
qui aime et qui a peur quand l'ogre rentre tôt.
Elle a ses habitudes et fait comme si de rien.

Elle alimente mon cœur, perfuse la musique,
la peinture,  rêveries en tout genre, en bocaux,
qu'elle conserve en secret et quand papa s'absente,
 les ressort en cachette pour que la vie reprenne.


Quand on est tout petit, on se fait du mouron,
se raconte des histoires pour se faire un peu peur.
On murmure, on grandit, on mûrit c'est certain.
On oublie les récits, on écrit des comptines.


Papa ne le sait pas, même si le soir il pense:
"C' est pas si mal comme ça, les taches sont partagées,
l'enfant a ses repères,  un recoin pour rêver,
un peu d'autorité ne lui fait pas de mal".

C'est parfois un peu vrai, c'est parfois un peu faux.
Lui le pense vraiment. Tous ces gestes sont inscrits
mais les mots pour le dire, l' expliquer par des phrases,
c'est une autre paire de manches. Mon père est un taiseux.


Quand on est tout petit, on se fait du mouron,
se raconte des histoires pour se faire un peu peur.
On murmure, on grandit, on mûrit c'est certain.
On oublie les récits, on écrit des comptines.


Maman s'est fait son nid, elle aime ce silencieux
qui fume toujours sa pipe et passe toujours à table
à dix neuf heures pétantes à moins que sa grosse voix
ne la rappelle à l'ordre, qu'après l'heure c'est pas l'heure! 

Elle feinte parfois un peu, maquille d'un oui les non
et reprend son ouvrage, ça passera plus tard,
et l'orage passé, il n'y pensera plus.
Tout rentrera dans l'ordre, de l'ordre du féminin.


Quand on est tout petit, on se fait du mouron,
se raconte des histoires pour se faire un peu peur.
On murmure, on grandit, on mûrit c'est certain.
On oublie les récits, on écrit des comptines.


Voilà ce qu'est la vie, une vie comme une autre,
avec des paravents, des passerelles par instant,
des silences qui grandissent, des histoires qui s'enlisent,
qui se font par amour et c'est là l'essentiel.

L'OGRE DE MON ENFANCE

L'OGRE DE MON ENFANCE
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Quand il montait les marches de la cage d'escalier,
qu'il s'arrêtait un temps sur le premier palier,
sur l'épais paillasson sur lequel il pestait,
il raclait ses chaussures pour que tombent les heures,
les moments de fatigues, souvenir de l'usine,
avant de pénétrer dans l'antre familiale.

Quand la porte s'ouvrait et qu'il apparaissait,
les mots disparaissaient, les gestes s'amenuisaient.
Papa était chez lui, le dehors n'entrait pas,
le dedans s'adaptant au rythme de ses pas.
Les ombres de la nuit investissaient les meubles
et son dos très massif étouffait la lumière.


Qu'il est loin ce pays du monde de l'enfance
dont l'adulte est banni, dont il rêve parfois,
que le temps de l'oubli efface peu à peu
ne laissant dans les cœurs qu'une douce mélodie.


A dix huit heures pétantes et pas une de plus.
Il quittait ses chaussures, rentrait dans ses chaussons,
rentrait dans sa famille, sa tanière, son fauteuil,
n'en bougeait plus d'un pouce, pas même d'une semelle
avant que ne sonne l'heure qui signe celle du dîner,
que ne tonne sa voix d'ogre s'écriant «tous à table»

Les enfants dans leur chambre restaient sur le qui vive
du devoir qui, sans fin, se devait d'être fait,
de peur d'être contesté, d'être remis sur l'ouvrage.
Passer avant sept heure la porte de sa chambre
laissait un arrière goût de culpabilité
qui  frisait la sanction, l'anathème paternel.


Qu'il est loin ce pays du monde de l'enfance
dont l'adulte est banni, dont il rêve parfois,
que le temps de l'oubli efface peu à peu
ne laissant dans les cœurs qu'une douce mélodie.



Dans l'atmosphère feutrée, chaleureuse d'un fauteuil,
Il ouvrait le journal et mâchouillant l'embout
d'une pipe nichée tout au creux de sa main,
aspirait la fumée en humectant ses lèvres.
Et quand il se levait, repoussait son fauteuil
qui raclait le plancher, c'était l'heure du repas

Maman dans la cuisine , tendait parfois l'oreille,
coupait quelques oignons, attentive, prévenante,
afin que tout soit prêt, que le couverts soit mis.
Les menus étaient faits de semaine en semaine.
La cuisine était simple, basique et familiale,
se répétant souvent, ritournelle immuable.


Qu'il est loin ce pays du monde de l'enfance
dont l'adulte est banni, dont il rêve parfois,
que le temps de l'oubli efface peu à peu
ne laissant dans les cœurs qu'une douce mélodie.


Chaque samedi matin quand papa se levait,
le silence des chambres était assourdissant.
Personne ne bougeait mais l'odeur du café,
des tartines grillées et de la confiture,
débarquait insidieuse dans notre demi-sommeil,
nous poussait hors du lit, mieux que l'ogre n'aurait fait.

Tout autour de la table, on se retrouvait là,
quelques mots échangés mais pas de grands mystères,
ce qu'il fallait sans doute pour parer les silences
du voile convenu d' habitudes bien ancrées.
On échangeait chacun des pépiement d'oiseaux,
des coups de coude discrets.


Qu'il est loin ce pays du monde de l'enfance
dont l'adulte est banni, dont il rêve parfois,
que le temps de l'oubli efface peu à peu
ne laissant dans les cœurs qu'une douce mélodie.


Le dimanche en cuisine papa se détendait,
le moment que maman attendait, espérait:
s'éloigner de ces tâches qui n'étaient pas son propre.
Beefsteak-frites très rouge pour chacun d'entre-nous.
Les frites, c'était la fête aucune contestation,
Les matchs à la télé, le pensum du dimanche.

Il me reste toujours dans un coin de la tête
ces musiques génériques d'émissions sportives,
cet arrière goût discret de meurtre et de vengeance
qui emplit les dimanches sans aucune exception
et me laisse en mémoire la même tristesse subite
qu'un grand jour de grisaille, temps de pluie et d'ennui.


Qu'il est loin ce pays du monde de l'enfance
dont l'adulte est banni, dont il rêve parfois,
que le temps de l'oubli efface peu à peu
ne laissant dans les cœurs qu'une douce mélodie.


Pour les matchs en direct, le rugby était roi
et tous les supporters assis sur les gradins
suivaient la balle ovale entre les deux poteaux,
que suivait l' accolade des joueurs enthousiastes,
de longues embrassades que papa détestait:
un exemple peu viril à montrer à son fils.

Le monde de Papa, c'était sport et famille
et celui de Maman, ses enfant et les arts.
Et papa, dans son coin, qui regardait Maman,
l'aimait sans rien lui dire mais la trouvait très belle.
Alors il se taisait et regardait partir,
l'enfant qui la suivait et qui parlait musique.


Qu'il est loin ce pays du monde de l'enfance
dont l'adulte est banni, dont il rêve parfois,
que le temps de l'oubli efface peu à peu
ne laissant dans les cœurs qu'une douce mélodie.


Quand je me retrouvais, montant la rue du Port
complice avec maman dans la fébrilité
d'une sortie nocturne, j' imaginais déjà
les lustres mordorés d'un plafond d' Opéra,
J' entendais émouvantes les harmonies discrètes
d'une œuvre de Fauré montant jusqu'au balcon.

Dans quel pays lointain se cachent ces harmonies
du monde de l'enfance au rythme de l'oubli
effaçant pour toujours la voix massive de l' ogre
qui, les années passant, se dévoile grand père
et l'enfant qui racontent, lui-même devenu père,
reprenant ce même rôle avec plus de douceur.


Qu'il est loin ce pays du monde de l'enfance
dont l'adulte est banni, dont il rêve parfois
que le temps de l'oubli efface peu à peu
ne laissant dans les cœurs qu'une douce mélodie.

TE CONNAÎTRAI-JE UN JOUR?

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