Parfum
d' enfance
Tous droits réservés
Cliquez sur la flèche pour écouter la vidéo
Tous droits réservés
Cliquez sur la flèche pour écouter la vidéo
Un, deux trois, quatre, cinq, six. Il fait encore très sombre,
la
rue toujours déserte, les lampadaires blafards.
Des
pas comme des échos sur les façades d'en face,
papa
part au travail, il reviendra midi.
Un, deux, trois, quatre, cinq, six, l'usine est à côté.
Entre
midi et deux il vient, déjeune rapide.
Il
mange en peu de mots, dans un silence de plomb.
Puis
il repart sans bruit, c'est un taiseux papa.
Quand
on est tout petit, on se fait du mouron,
se
raconte des histoires pour se faire un peu peur.
On
murmure, on grandit, on mûrit c'est certain.
On
oublie les récits, on écrit des comptines.
Un,
deux, trois, c'est l'école, c'est l'hiver, il fait gris.
Les
pupitres sont bas et laissent entre les bancs
une
ouverture étroite. Même si je suis très grand
je
m' y insère sans bruit. Je ne dis rien, m'endors.
Je suis seul et j'attends que finissent les cours,
que
les mômes me laissent, c'est pas vraiment la joie.
Un,
deux, trois, quatre, cinq, six, puis-je passer mon tour.
C'est
pas la règle, c'est vrai. J'ai la vie qui m'attend.
Quand
on est tout petit, on se fait du mouron,
se
raconte des histoires pour se faire un peu peur.
On
murmure, on grandit, on mûrit tout autant.
On
oublie les récits, on écrie des comptines.
Un,
deux trois, case-prison et demi-pensionnaire,
en
semi-liberté de devoirs surveillés,
retour
à la maison, son triste papier à fleurs
que
l' on regarde hagard, un cahier à côté.
Un, deux, trois, quatre, cinq, six, as-tu fais tes devoirs ?
J'avance
le pion d'une case, deux cases, suis-je fautif ?
Je
ne suis pas un cancre. J'ai peu où pas d' ami,
ça
n'imprime pas en moi l'empreinte du savoir.
Quand
on est tout petit, on se fait du mouron,
se
raconte des histoires pour se faire un peu peur.
On
murmure, on grandit, on mûrit c'est certain.
On
oublie les récits, on écrie des comptines.
Livres
d'histoire et de math somnolent sur ma table.
Tintin
et Lucky Luke attendent tout en dessous !
La
porte se referme. Ils sortent vaillamment.
Ils
sont ma délivrance, mon sac de survie.
Sans
doute lu trop Dickens! Le vécu est tout autre.
C'est
la faute au stylo qui s'échappe sans raison.
Il
tâche souvent les pages et cache un peu les faits
d'un
humour un peu noir où manquent les sous-titres.
Quand
on est tout petit, on se fait du mouron,
se
raconte des histoires pour se faire un peu peur.
On
murmure, on grandit, on mûrit c'est certain.
On
oublie les récits, on écrit des comptines.
Papa
est ingénieur mais je m'ennuie quand même,
maman
est toute discrète, petite souris aimante
qui
aime et qui a peur quand l'ogre rentre tôt.
Elle
a ses habitudes et fait comme si de rien.
Elle alimente mon cœur, perfuse la musique,
la
peinture, rêveries en tout genre, en bocaux,
qu'elle
conserve en secret et quand papa s'absente,
les
ressort en cachette pour que la vie reprenne.
Quand
on est tout petit, on se fait du mouron,
se
raconte des histoires pour se faire un peu peur.
On
murmure, on grandit, on mûrit c'est certain.
On
oublie les récits, on écrit des comptines.
Papa
ne le sait pas, même si le soir il pense:
"C'
est pas si mal comme ça, les taches sont partagées,
l'enfant
a ses repères, un recoin pour rêver,
un
peu d'autorité ne lui fait pas de mal".
C'est parfois un peu vrai, c'est parfois un peu faux.
Lui
le pense vraiment. Tous ces gestes sont inscrits
mais
les mots pour le dire, l' expliquer par des phrases,
c'est
une autre paire de manches. Mon père est un taiseux.
Quand
on est tout petit, on se fait du mouron,
se
raconte des histoires pour se faire un peu peur.
On
murmure, on grandit, on mûrit c'est certain.
On
oublie les récits, on écrit des comptines.
Maman
s'est fait son nid, elle aime ce silencieux
qui
fume toujours sa pipe et passe toujours à table
à
dix neuf heures pétantes à moins que sa grosse voix
ne
la rappelle à l'ordre, qu'après l'heure c'est pas l'heure!
Elle feinte parfois un peu, maquille d'un oui les non
et
reprend son ouvrage, ça passera plus tard,
et
l'orage passé, il n'y pensera plus.
Tout
rentrera dans l'ordre, de l'ordre du féminin.
Quand
on est tout petit, on se fait du mouron,
se
raconte des histoires pour se faire un peu peur.
On
murmure, on grandit, on mûrit c'est certain.
On
oublie les récits, on écrit des comptines.
Voilà
ce qu'est la vie, une vie comme une autre,
avec
des paravents, des passerelles par instant,
des
silences qui grandissent, des histoires qui s'enlisent,
qui
se font par amour et c'est là l'essentiel.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire