samedi 19 octobre 2019

PARFUM D'ENFANCE

Parfum d' enfance

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Un, deux trois, quatre, cinq, six. Il fait encore très sombre,
 la rue toujours déserte, les lampadaires blafards.
Des pas comme des échos sur les façades d'en face,
papa part au travail, il reviendra midi.

Un, deux, trois, quatre, cinq, six, l'usine est à côté.
Entre midi et deux il vient, déjeune rapide.
Il mange en peu de mots, dans un silence de plomb.
Puis il repart sans bruit, c'est un taiseux papa.


Quand on est tout petit, on se fait du mouron,
se raconte des histoires pour se faire un peu peur.
On murmure, on grandit, on mûrit c'est certain.
On oublie les récits, on écrit des comptines.


Un, deux, trois, c'est l'école, c'est l'hiver, il fait gris.
Les pupitres sont bas et laissent entre les bancs
une ouverture étroite. Même si je suis très grand
 je m' y insère sans bruit. Je ne dis rien,  m'endors.

Je suis seul et j'attends que finissent les cours,
que les mômes me laissent, c'est pas vraiment la joie.
Un, deux, trois, quatre, cinq, six, puis-je passer mon tour.
C'est pas la règle, c'est vrai. J'ai la vie qui m'attend.


Quand on est tout petit, on se fait du mouron,
se raconte des histoires pour se faire un peu peur.
On murmure, on grandit, on mûrit tout autant.
On oublie les récits, on écrie des comptines.


Un, deux trois, case-prison et demi-pensionnaire,
en semi-liberté de devoirs surveillés,
retour à la maison, son triste papier à fleurs
que l' on regarde hagard, un cahier à côté.

Un, deux, trois, quatre, cinq, six, as-tu fais tes devoirs ?
J'avance le pion d'une case, deux cases, suis-je fautif ?
Je ne suis pas un cancre. J'ai peu où pas d' ami,
ça n'imprime pas en moi l'empreinte du savoir.


Quand on est tout petit, on se fait du mouron,
se raconte des histoires pour se faire un peu peur.
On murmure, on grandit, on mûrit c'est certain.
On oublie les récits, on écrie des comptines.


Livres d'histoire et de math somnolent sur ma table.
Tintin et Lucky Luke attendent tout en dessous !
La porte se referme. Ils sortent vaillamment.
Ils sont ma délivrance, mon sac de survie.

Sans doute lu trop  Dickens!  Le vécu est tout autre.
C'est la faute au stylo qui s'échappe sans raison.
Il tâche souvent les pages et cache un peu les faits
d'un humour un peu noir où manquent les sous-titres.


Quand on est tout petit, on se fait du mouron,
se raconte des histoires pour se faire un peu peur.
On murmure, on grandit, on mûrit c'est certain.
On oublie les récits, on écrit des comptines.


Papa est ingénieur mais je m'ennuie quand même,
maman est toute discrète, petite souris aimante
qui aime et qui a peur quand l'ogre rentre tôt.
Elle a ses habitudes et fait comme si de rien.

Elle alimente mon cœur, perfuse la musique,
la peinture,  rêveries en tout genre, en bocaux,
qu'elle conserve en secret et quand papa s'absente,
 les ressort en cachette pour que la vie reprenne.


Quand on est tout petit, on se fait du mouron,
se raconte des histoires pour se faire un peu peur.
On murmure, on grandit, on mûrit c'est certain.
On oublie les récits, on écrit des comptines.


Papa ne le sait pas, même si le soir il pense:
"C' est pas si mal comme ça, les taches sont partagées,
l'enfant a ses repères,  un recoin pour rêver,
un peu d'autorité ne lui fait pas de mal".

C'est parfois un peu vrai, c'est parfois un peu faux.
Lui le pense vraiment. Tous ces gestes sont inscrits
mais les mots pour le dire, l' expliquer par des phrases,
c'est une autre paire de manches. Mon père est un taiseux.


Quand on est tout petit, on se fait du mouron,
se raconte des histoires pour se faire un peu peur.
On murmure, on grandit, on mûrit c'est certain.
On oublie les récits, on écrit des comptines.


Maman s'est fait son nid, elle aime ce silencieux
qui fume toujours sa pipe et passe toujours à table
à dix neuf heures pétantes à moins que sa grosse voix
ne la rappelle à l'ordre, qu'après l'heure c'est pas l'heure! 

Elle feinte parfois un peu, maquille d'un oui les non
et reprend son ouvrage, ça passera plus tard,
et l'orage passé, il n'y pensera plus.
Tout rentrera dans l'ordre, de l'ordre du féminin.


Quand on est tout petit, on se fait du mouron,
se raconte des histoires pour se faire un peu peur.
On murmure, on grandit, on mûrit c'est certain.
On oublie les récits, on écrit des comptines.


Voilà ce qu'est la vie, une vie comme une autre,
avec des paravents, des passerelles par instant,
des silences qui grandissent, des histoires qui s'enlisent,
qui se font par amour et c'est là l'essentiel.

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